jeudi 9 février 2012

Peut-on hiérarchiser les civilisations?

Une nouvelle crise de panique morale secoue notre pays :
1) un ministre affirme que « les civilisations ne se valent pas »,
2) les réactions indignées atteignent immédiatement le « point Godwin » : http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Godwin
3) il n’y a plus de discussion possible.
Si l’on résiste à cette panique, et si l’on prend cette question au sérieux, il faut commencer par savoir de quoi l’on parle au juste. Ainsi je propose de distinguer « civilisation » et « culture ». :
Au niveau élémentaire, une culture est un ensemble de formes de vie et de croyances spécifiques à un groupe, forgées par l’Histoire. Une civilisation est le système dynamique formé par plusieurs cultures, un système de valeurs qui vise un idéal universel d’humanité, d’accomplissement artistique, technique, scientifique et spirituel. La tolérance, l’ouverture à l’autre, la protection des faibles sont les valeurs civilisationnelles, opposées à des contre-valeurs désignées par le vocable « barbarie ».
Ainsi une culture, avec un idéal qui lui est propre, est toujours particulière, alors qu’une civilisation a toujours une visée universelle. Par ailleurs, le processus civilisationnel est essentiellement intégrateur alors que le particularisme culturel - au sens du repli identitaire - est par nature facteur de rejet. Il semble en ce sens qu’il y a toujours une tension entre culture et civilisation.
Alors, d’après la distinction que je propose, l’idée d’une « hiérarchie des civilisations » est creuse puisque chaque civilisation vise un idéal universel d’humanité, qu’il ne faut pas confondre avec ce qui lui est souvent associé : les visée d’hégémonie des religions, des Empires et des systèmes de pouvoir. Ainsi, pour balayer devant sa porte, il faut reconnaître que l’Occident allie une fécondité exceptionnelle à une indiscutable volonté hégémonique.
Mais peut-on au moins hiérarchiser les cultures ? Non, on ne peut pas « juger » une culture dans son ensemble, mais tel ou tel trait culturel peut – et même doit – être jugé à l’aune, justement, des valeurs civilisationnelles : les sacrifices humains et animaux, l’excision, l’esclavage, la ségrégation, l’infériorité des femmes,… sont des formes de vie indignes d’un idéal universel d’humanité.
Alors quand un ministre désigne une civilisation comme intrinsèquement « inférieure » à la « nôtre », il faut y voir une erreur anthropologique mais surtout le signe d’une dérive politique qui ne peut pas ne pas évoquer les périodes sombres de l’Histoire. Le syndrome hongrois ?

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